mercredi 6 février 2013

Une histoire de fou

J'ai pris le RER !

Je suis assise tranquillement en train de lire. Complètement absorbée par ma lecture. Je me suis intaillée sur une banquette; au milieu d'un wagon sombre et terne. Les sièges sont en plastiques bleu passé, les murs sont orangés et jaunes, salis par la poussière. Tout semble gris là-dedans. Aussi,je reste cachée sous ma casquette et je lis. En face de moi, il y a une place libre.
A un moment, un homme entre en parlant tout seul. Un peu fort. Toujours captivée par mon histoire, je ne fais pas attention. Les gens le regarde étonnés.

L'homme s'assoit en face de moi. Il fait beaucoup de bruit. Il a un grand sac en plastique blanc, un gros sac à dos. Il porte des chaussures usées jusqu'à la corde et il est tout débraillé. Il n'a pas l'air sale. C'est juste que s'habiller n'a pas vraiment l'air d'être sa préoccupation première. 
Je lève le tête, le regarde sans vraiment le regarder. Là je me rends compte qu'il à une tête un peu azimutée. Il faut un peu savant fou, artiste hystérique... ! Je crois qu'il est en fait "un peu fou", comme on dit.

Je replonge vite fait le nez dans mon livre. Mais je sais qu'il est en face de moi, pour moi.

Il se fiche de tout. Ne fait pas attention à son voisin. Il gigote. Fait tomber , sans s'en apercevoir, des papiers que la personne à coté de moi lui ramasse. Enfin, il sort une feuille de papier brun et des crayons de couleurs. Il prend le marron et se met à dessiner.
La tête penchée en avant pour lire, je suis cachée par la visière de ma casquette. Cependant,je peux voir la feuille posée sur ses genoux et sur laquelle il griffonne. 
Il dessine deux amandes, bien nettes, pour faire des yeux. A première vue, ça semble très primitif comme tracé.

Je continue de lire. Je suis,partagée entre l'histoire que je lis qui me happe, le dessin qui m'intrigue, ma "peur" des fous qui me dit de ne pas le regarder et les stations du RER qui passent, m'obligeant de lever la tête pour regarder où je suis.

Le trajet file et le dessin s'affine. Il met du blanc dans les yeux. Fait des cils. Puis il dessine l'iris et la pupille. L'iris très bleu, avec des pointes de beige, de blanc et de noir. Ça donne au regard une expression étonnante. Les deux amandes sont devenues un regard. 
Ensuite, il colorie, comme pour faire des ombres encerclant des yeux. 
Je sais qu'il me dessine cachée sous ma casquette !

Un peu échaudée par un fou qui m'a harcelé pendant plusieurs années quand j'étais plus jeune, je n'ose rien lui dire. Je ne le regarde pas. Fais celle qui ne voit pas. Quand ma station arrive, je file en vitesse en lui tournant le dos. 

Avec le recul, j'aurai du le regarder. Lui sourire et lui lui demander ce qu'il dessinait. Juste pour savoir. Il m'aurait peut-être répondu :
- Je vous dessine !
Alors je lui aurai dit :
- Mais je descend à la prochaine station.
Il m'aurait finalement donné son dessin en concluant fièrement :
- Alors vous n'aurez que les yeux !

comme cela, je serai venu vous raconter mon histoire de fou. De fou qui dessine pour passer le temps dans le RER ! 

8 commentaires:

Caro a dit…

Oh là là je n'aurais pas non plus était bien dans mes basquettes à ta place... mais c'est une belle histoire :-) tu t'es faite harcelé pdt plusieurs années ?? un amoureux fou ??

Bruno a dit…

J'ai pas bien compris : Qui est fou dans ton histoire ?

Françoise a dit…

@ Caro : je ne t'ai jamais raconté ? Quand j'étais étudiante, le fou du quartier était tombé amoureux de moi chez le boucher ! Il a demandé mon identité au boucher et ensuite, j'ai reçu des lettres incompréhensibles et illisibles, il me téléphonait la nuit et raccrochait, il me faisait des dessins .. Les seuls moment où il me laissait était quand il était en hôpital psychiatrique. Quand il me croisait, il hurlait mon nom dans la rue. Soit il partait en courant, soit il me suivait et n'écoutait pas quand je lui demandais de me laisser tranquille.
Et puis un jour, il voulait mourir. Or, dans sa tête, je devais mourir avec lui. Il a écrit une lettre complètement dingue dans laquelle on se suicidait et on rejoignait Dieu après un séjour dans les étoiles. Mais comme il etait fou pour de vrai, j'ai eu peur qu'il y croit vraiment et qu'il disjoncte. Alors je suis allée voir la police pour qu'on m'aide car j'avais peur qu'il passe à l'acte. Il avait mon nom, mon adresse et les lettres (que je ne lisais pas moi mais qui faisaient marrer mon entourage !) devenaient de plus en plus violentes.

Françoise a dit…

@ Bruno : Ben oui, je m'en rend compte aussi finalement ?
La prochaine fois, promis, je reviens avec le dessin :)

Catherine a dit…

Même si j'aurais aimé voir le dessin Françoise je comprend que tu ne lui aies pas demandé....

caro a dit…

ah non je ne connaissais pas l'histoire du fou !! ça a duré longtemps ?? et la police à fait qq chose ? suis étonnée... ben ma pauvre je n'aurais pas aimé être à ta place... et puis le boucher merci ... super sympa de donner des infos perso !

Françoise a dit…

@ Catherine : Ben oui, difficile de se remettre de plusieurs années de fou du quartier ! Et toi tu l'as vu en action !

Françoise a dit…

@ Caro : Ça a duré quelques années. Et oui, le boucher... merci, comme tu dis !
La police m'a dit qu'elle ne pouvait pas faire grand chose car il n'avait pas agressé physiquement (pas de coups, pas d'attaque)... Cependant, comme il était connu par la police et dans le quartier, la police est passée le voir pour lui demander d’arrêter. Ça a marché. Je ne sais pas ce qu'ils ont dit, mais ça a marché.