vendredi 3 août 2012

La femme du train.

Il y a cette ravissante femme métisse dans le train. Assise, bien dans le sens de la marche. Elle porte un petit chapeau de paille avec un joli ruban fleuri. Bien droite sur son siège, son visage respire la gentillesse. Elle est gracieuse et pourtant elle ne bouge pas d'un millimètre. Elle regarde devant elle et elle sourit.
A quoi pense t'elle sous son drôle de couvre-chef un brin rétro ? 

On dirait une image d'un autre temps. Une femme d'une autre époque. Avec sa robe toute simple, son chapeau fleuri et son sac à main posé sur ses genoux,. Elle semble comme déposée par erreur dans ce TER flambant neuf. Le contraste est émouvant. 

Elle est de celle qui donne des confitures aux enfants. Elle est de celle qui s'assoit sous les vérandas les soirs d'été. Elle est de celles qui fredonne des chansons joyeuses pour avoir la tête de bonne humeur. Elle est de celle vers qui l'on va se réfugier. Elle est de celle qui a toujours une pensée, un mot, un geste gentil.

Elle m'intrigue. J'ai envie de la connaitre. Elle et son histoire. 
Pourquoi va t'elle dans le Nord ? 
Elle n'a pas de bagages. Elle a du faire un petit tour à Paris. 

Peut-être est-elle allée voir son amoureux ? Il travaille à Paris et ne rentre pas la semaine. Cela coûterait trop cher. Il dort dans une petite chambre qu'il partage avec un cousin. 
Pour lui faire la surprise, elle est venue le voir mardi soir et repart le mercredi matin. 
Parce que c'était son anniversaire ? Non. Juste comme cela. Juste pour le voir. 

Ou alors, elle a tout simplement rendu visite à sa famille. Elle est allée voir son fils installé à Paris. Son fils qu'elle voit si peu. Son fils qu'elle ne voit plus. 
Elle sourit se souvenant son visage de petit homme. Son grand garçon, elle est si fière de lui. Il lui manque certes, mais il à l'air heureux. Un peu amaigri, mais heureux.

A moins qu'elle aille dans le Nord pour la journée ? Elle va retrouver cet homme qu'elle ne connait pas, avec qui elle discute sur Internet depuis des mois. 
Tendresse_60. C'est son pseudonyme. Il a l'air charmant. Poli et bien élevé. Jamais elle ne se serait cru capable d'une telle chose. Pourtant la voila dans le train pour aller déjeuner à Beauvais !

Le contrôleur entre dans le wagon. Je la regarde noyée dans ses pensées. Elle me regarder noyée dans les miennes. Ou l'inverse !
Arrivé à sa hauteur, le contrôleur lui demande son billet. Elle n'en a pas. Elle a pris le train sans en avoir acheté. 
Alertée, je me dis que je vais enfin en savoir un peu plus sur son histoire. Il va lui mettre une amende, elle va expliquer pourquoi elle est montée dans le train sans billet.
Mais le contrôleur ne lui dit rien. Il lui indique juste que le billet est à 13,50 €. 
- C'est le même tarif qu'au guichet. Dit-il. 
Pas d'amende. 
Elle ne dit rien. Paye, et le contrôleur continue son chemin.
Sans aucune explication. Personne ne donne aucune explication à personne. Même pas à moi !

Je suis presque déçue. Je ne sais pas son histoire. Pourtant je suis sûre que cette femme, avec sa belle robe toute simple, à une jolie histoire. Elle a une jolie histoire et une bonne raison de porter cet adorable petit chapeau de paille au ruban fleuri.

10 commentaires:

Frédé a dit…

Bravo,
Quelle imagination...
C'est peut-être la maîtresse du chef du contrôleur, c'est pour ça qu'il ne lui a rien dit...

Bruno a dit…

Les plus anciens te diront que tu as croisé Mary Poppins, les plus jeunes pencheront pour Odette Toulemonde.
En tout cas, c'est très beau.
Bravo

Françoise a dit…

@ Frédé : ah oui tiens. C'est peut être la maîtresse du contrôleur ! Elle lui a fait une surprise. Au retour elle présentera un papier blanc de la taille d'un billet avec écrit :
Tu me manques. Tu sais, je n'ai rien sous ma robe !
Et lui, rougissant, il compostera le papier blanc

Françoise a dit…

@ Bruno : ah oui, peut être, c'est vrai.
En fait elle était là pour moi. Pour que je puisse imaginer toutes ces histoires. Elle souriait à l'idée de ce que je pouvais inventer. Elle se disait :
Quel destin va t'elle me dessiner ? Et ça l'a rendait joyeuse

Bruno a dit…

Si j'avais été à ta place, elle n'aurait jamais souri, la pauvre, elle aurait vécu un vrai film d'horreur...

Françoise a dit…

@ Bruno : Elle souriait ! Mais effectivement, elle souriait sans doute parce qu'elle prépare depuis des mois le meurtre de la nouvelle femme de son frère. Celle qui l'a obligé de quitter Paris. Depuis elle ne voit plus ses nièces. Elle les adoraient. Elle ne supporte plus ne plus pouvoir aller chez son frère tous les jours. Ne plus aller les chercher à l'école tous les jours. Ne plus partager toutes leurs vie et vivre à travers elles.
Alors dans son sac, elle a juste le pistolet de son père. avec 2 balles...

Catherine a dit…

Ah Françoise, Bruno et moi le savions : au fond de toi dort une âme de Stephen King qui ne demande qu'à être réveillée !! J'ai hâte de lire ça !
Ton histoire est magnifique et elle laisse tellement de place à l'imaginaire que chacun a rencontré te femme du train. Un très grand bravo !

Françoise a dit…

@ Catherine : mais non, je ne suis pas une Stephen Kinguette !! Mais merci quand même de le penser.

Bruno a dit…

Françoise : Tu rajoutes le croquemitaine caché au fond du placard, ou lové sous le lit, et c'est parfait.
Finalement Catherine a raison, ton côté obscur mérite de s'exprimer...

Françoise a dit…

@ Bruno et Catherine : Bien, je vais essayer alors !